« Esprit critique » : différence entre les versions
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Une définition de John Dewey (qui parle de "reflective thought") : "Active, persistent, and careful consideration of any belief or supposed form of knowledge in the light of the grounds that support it, and the further conclusions to which it tends, constitutes reflective thought." | |||
Ref : Dewey, J. (1910). How we think. Lexington, Mass: D.C. Heath (Chapter 1, "What is thought?" - https://brocku.ca/MeadProject/Dewey/Dewey_1910a/Dewey_1910_a.html) | |||
Une définition du panel d'experts rassemblés par [[Facione_1990]] : "We understand critical thinking to be purposeful, self-regulatory judgment which results in interpretation, analysis, evaluation, and inference, as well as explanation of the evidential, conceptual, methodological, criteriological, or contextual considerations upon which that judgment is based. " | |||
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* Cf. les expériences édifiantes de M. Legrand et l'âge du capitaine ([[Legrand 2012a]]). | |||
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=== L'université forme-t-elle (suffisamment à) l'esprit critique === | |||
* Sur l'absence de lien entre formation supérieure et croyances irrationnelles, voir [[Askevis-Leherpeux 1990]]. | |||
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=== Capacités (skills) ou attitudes (dispositions ?) === | |||
Un des grands débats qui traverse historiquement le champ est de savoir si la pensée critique est constituée de capacités (skills), de dispositions/attitudes, ou les deux. A noter que la définition actuelle de compétence permet aisément de dépasser l'opposition. | |||
"Lorsque Robert Ennis définit pour la première fois les caractéristiques du penseur critique, il dresse une liste de compétences (skills) ou d’habiletés (abilities) dont il fait preuve et dont le développement passe par certains exercices (savoir définir des termes avec précisions, savoir reconnaître des prémisses, savoir évaluer des inférences, etc.). Le thinking skill movement est né. L’approche de la pensée critique en termes de compétences s’explique par l’importance dans le monde anglo-saxon des approches psychologiques des processus de pensée. Mais le Critical Thinking est aussi l’affaire des philosophes qui, assez tôt, critiquent l’insuffisance d’une définition de la pensée critique en termes de compétences [55]. Les compétences logiques ne font pas nécessairement le penseur critique, disent-ils, puisqu’on peut très bien maîtriser ces compétences sans les utiliser ni même avoir la volonté de les utiliser. Pour eux, la pensée critique dépend d’abord des dispositions (qualités ou traits de caractère) du penseur critique, la disposition sincère à rechercher la vérité, à considérer attentivement tous les arguments et points de vue, à respecter les personnes qui pensent autrement que soi, à réfléchir sur ses propres croyances, à accepter que les raisons d’autrui puissent être meilleures, etc. Ce qui les conduit à distinguer entre la pensée critique au sens faible (weak sense) – réduite aux compétences - et la pensée critique au sens fort (strong sense) [56]. La pensée critique au sens faible signifie que l’on a acquis des compétences d’analyse critique et qu’on peut en faire la démonstration si on nous demande de le faire, comme lors d’un test. La pensée critique au sens fort [57] (strong sense) implique, au-delà des compétences, un ensemble de dispositions comme l’ouverture d’esprit (open-mindedness) [58], l’honnêteté intellectuelle, l’indépendance d’esprit, l’humilité (vs la suffisance intellectuelle), la disposition à accorder une réelle attention aux objections et, si les raisons l’exigent, à modifier ou changer ses idées. Toutes ces dispositions sont au cœur des réflexions contemporaines sur les vertus épistémiques [59]. | |||
Ce débat aura permis d’enrichir la compréhension du Critical Thinking et de renouer avec l’inspiration initiale de John Dewey qui dans un passage de How we think sur « l’importance des attitudes » disait déjà : « connaître seulement des méthodes ne suffit pas, il faut le désir, la volonté, de les utiliser. Ce désir est une affaire de disposition personnelle [60] », ajoutant que s’il fallait choisir entre cultiver les compétences et les attitudes, il choisirait la seconde option. Mais pour Dewey, il n’est pas question de choisir, car la pensée critique doit obligatoirement unir les compétences (celles de l’enquête méthodique et des compétences logiques générales) et les dispositions ou attitudes (Dewey consacre un long développement à l’ouverture d’esprit, la passion de la vérité et la responsabilité intellectuelle dans l’édition de 1933 de How We Think)." (Copérec, 2018 - http://skhole.fr/developper-esprit-critique-des-eleves-un-mouvement-anglo-saxon-critical-thinking-par-serge-cosperec) | |||
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* Voir [[Facione_1990]] pour une liste de capacités et d'attitudes. | |||
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=== Méthodes et développement de l'esprit critique === | === Méthodes et développement de l'esprit critique === | ||
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* [[Goldberg_2007]] analyse avec les étudiants un VRAI complot, par ex celui de l’industrie du tabac pour occulter les dégâts du tabagisme passif, et on compare la complexité du mécanisme de mise en évidence de ce complot par rapport aux théories du complot circulant sur internet (type F. Hollande est derrière l’attentat de Charlie Hebdo). | |||
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==== Passage par le théâtre ==== | |||
* En plus d’une approche classique d'analyse de controverse (cartographie des arguments, etc.), [[Fournout_Beaudouin_2007]] proposent aux deux camps de la controverse Mariage pour Tous sont invités à créer une scène théâtrale et à la jouer. On ne constate pas forcément de changement de position mais une tolérance plus grande. | |||
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=== Entraînement à l'argumentation, à la rhétorique et à la décentration === | |||
* Ferr & Sans (2015) et Ferry & Danblon (2016) proposent de développer l'esprit critique à travers des exercices de rhétorique amenant les élèves à se décentrer et à adopter le point de vue de l'autre, et en passant également par des phases d'entraînement "sans enjeux" avant d'aborder des sujets plus polémiques. | |||
** Ferry, V., Sans, B. (2015). Introduction : éduquer le regard rhétorique », Exercices de rhétorique [En ligne], 5. URL : http://rhetorique.revues.org/402 ; DOI : 10.4000/rhetorique.402 | |||
** Ferry, V., Danblon, E. (2016). Rhétorique et didactique de la critique. Diptyque, avril 2016, pp. 197-210. | |||
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Dernière version du 11 novembre 2018 à 18:37
Définition
Une définition de John Dewey (qui parle de "reflective thought") : "Active, persistent, and careful consideration of any belief or supposed form of knowledge in the light of the grounds that support it, and the further conclusions to which it tends, constitutes reflective thought."
Ref : Dewey, J. (1910). How we think. Lexington, Mass: D.C. Heath (Chapter 1, "What is thought?" - https://brocku.ca/MeadProject/Dewey/Dewey_1910a/Dewey_1910_a.html)
Une définition du panel d'experts rassemblés par Facione_1990 : "We understand critical thinking to be purposeful, self-regulatory judgment which results in interpretation, analysis, evaluation, and inference, as well as explanation of the evidential, conceptual, methodological, criteriological, or contextual considerations upon which that judgment is based. "
Synonymes
Ressources
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L'école forme-t-elle (suffisamment à) l'esprit critique
- Cf. les expériences édifiantes de M. Legrand et l'âge du capitaine (Legrand 2012a).
L'université forme-t-elle (suffisamment à) l'esprit critique
- Sur l'absence de lien entre formation supérieure et croyances irrationnelles, voir Askevis-Leherpeux 1990.
Capacités (skills) ou attitudes (dispositions ?)
Un des grands débats qui traverse historiquement le champ est de savoir si la pensée critique est constituée de capacités (skills), de dispositions/attitudes, ou les deux. A noter que la définition actuelle de compétence permet aisément de dépasser l'opposition.
"Lorsque Robert Ennis définit pour la première fois les caractéristiques du penseur critique, il dresse une liste de compétences (skills) ou d’habiletés (abilities) dont il fait preuve et dont le développement passe par certains exercices (savoir définir des termes avec précisions, savoir reconnaître des prémisses, savoir évaluer des inférences, etc.). Le thinking skill movement est né. L’approche de la pensée critique en termes de compétences s’explique par l’importance dans le monde anglo-saxon des approches psychologiques des processus de pensée. Mais le Critical Thinking est aussi l’affaire des philosophes qui, assez tôt, critiquent l’insuffisance d’une définition de la pensée critique en termes de compétences [55]. Les compétences logiques ne font pas nécessairement le penseur critique, disent-ils, puisqu’on peut très bien maîtriser ces compétences sans les utiliser ni même avoir la volonté de les utiliser. Pour eux, la pensée critique dépend d’abord des dispositions (qualités ou traits de caractère) du penseur critique, la disposition sincère à rechercher la vérité, à considérer attentivement tous les arguments et points de vue, à respecter les personnes qui pensent autrement que soi, à réfléchir sur ses propres croyances, à accepter que les raisons d’autrui puissent être meilleures, etc. Ce qui les conduit à distinguer entre la pensée critique au sens faible (weak sense) – réduite aux compétences - et la pensée critique au sens fort (strong sense) [56]. La pensée critique au sens faible signifie que l’on a acquis des compétences d’analyse critique et qu’on peut en faire la démonstration si on nous demande de le faire, comme lors d’un test. La pensée critique au sens fort [57] (strong sense) implique, au-delà des compétences, un ensemble de dispositions comme l’ouverture d’esprit (open-mindedness) [58], l’honnêteté intellectuelle, l’indépendance d’esprit, l’humilité (vs la suffisance intellectuelle), la disposition à accorder une réelle attention aux objections et, si les raisons l’exigent, à modifier ou changer ses idées. Toutes ces dispositions sont au cœur des réflexions contemporaines sur les vertus épistémiques [59]. Ce débat aura permis d’enrichir la compréhension du Critical Thinking et de renouer avec l’inspiration initiale de John Dewey qui dans un passage de How we think sur « l’importance des attitudes » disait déjà : « connaître seulement des méthodes ne suffit pas, il faut le désir, la volonté, de les utiliser. Ce désir est une affaire de disposition personnelle [60] », ajoutant que s’il fallait choisir entre cultiver les compétences et les attitudes, il choisirait la seconde option. Mais pour Dewey, il n’est pas question de choisir, car la pensée critique doit obligatoirement unir les compétences (celles de l’enquête méthodique et des compétences logiques générales) et les dispositions ou attitudes (Dewey consacre un long développement à l’ouverture d’esprit, la passion de la vérité et la responsabilité intellectuelle dans l’édition de 1933 de How We Think)." (Copérec, 2018 - http://skhole.fr/developper-esprit-critique-des-eleves-un-mouvement-anglo-saxon-critical-thinking-par-serge-cosperec)
Composantes de l'esprit critique
- Voir Facione_1990 pour une liste de capacités et d'attitudes.
Méthodes et développement de l'esprit critique
Débat scientifique
- Voir Marc Legrand
Canular scientifique
- Lacot, Blondelle et al. (2016) décrivent une leçon bidon destinée à provoquer une prise de conscience chez les étudiants (Lacot, E., Blondelle, G., & Hainselin, M. (2016). From Bill Shankly to the Huffington Post: How to Increase Critical Thinking in Experimental Psychology Course? Frontiers in Psychology, 7. doi: 10.3389/fpsyg.2016.00538)
Critique systématique des sources
- Lacot, Blondelle et al. (2016) demandent à leurs étudiants de rechercher et de classer, en fonction de leur fiabilité, les sources d'un article grand public sur le bonheur (Lacot, E., Blondelle, G., & Hainselin, M. (2016). From Bill Shankly to the Huffington Post: How to Increase Critical Thinking in Experimental Psychology Course? Frontiers in Psychology, 7. doi: 10.3389/fpsyg.2016.00538)
Les vrais complots
- Goldberg_2007 analyse avec les étudiants un VRAI complot, par ex celui de l’industrie du tabac pour occulter les dégâts du tabagisme passif, et on compare la complexité du mécanisme de mise en évidence de ce complot par rapport aux théories du complot circulant sur internet (type F. Hollande est derrière l’attentat de Charlie Hebdo).
Passage par le théâtre
- En plus d’une approche classique d'analyse de controverse (cartographie des arguments, etc.), Fournout_Beaudouin_2007 proposent aux deux camps de la controverse Mariage pour Tous sont invités à créer une scène théâtrale et à la jouer. On ne constate pas forcément de changement de position mais une tolérance plus grande.
Entraînement à l'argumentation, à la rhétorique et à la décentration
- Ferr & Sans (2015) et Ferry & Danblon (2016) proposent de développer l'esprit critique à travers des exercices de rhétorique amenant les élèves à se décentrer et à adopter le point de vue de l'autre, et en passant également par des phases d'entraînement "sans enjeux" avant d'aborder des sujets plus polémiques.
- Ferry, V., Sans, B. (2015). Introduction : éduquer le regard rhétorique », Exercices de rhétorique [En ligne], 5. URL : http://rhetorique.revues.org/402 ; DOI : 10.4000/rhetorique.402
- Ferry, V., Danblon, E. (2016). Rhétorique et didactique de la critique. Diptyque, avril 2016, pp. 197-210.
Voir aussi